Hors des cénacles judiciaires, son nom ne dit rien à personne. André Ride est pourtant l’un de ces symboles d’un quinquennat finissant, où le Président s’emploie à verrouiller une institution judiciaire qui ne semble cesser de le tourmenter.
André Ride va donc débarquer à Bordeaux comme procureur général. Ayant reçu un avis favorable du Conseil supérieur de la magistrature le 20 décembre, sa nomination officielle n’est plus qu’une formalité. Un poste de choix pour avoir à l’œil l’affaire Bettencourt, retirée des mains trop zélées du fidèle procureur Philippe Courroye, discrédité à force de défendre trop grossièrement les intérêts de la sarkozie.
Après André Ride, c’est Etienne Apaire, ancien conseiller du chef de l’Etat quand il était ministre de l’Intérieur, qui pourrait prendre la tête du puissant parquet de Versailles, comme le fidèle Jean-Claude Marin a pris les rênes de celui de Paris. De hauts magistrats, aux qualités souvent reconnues, mais déplacés comme des pions sur un échiquier pour servir les intérêts du pouvoir.
Un même mouvement s’accomplit dans la police et la préfectorale. A Marseille, à Grenoble, à Bordeaux, le chef de l’Etat a installé des hommes de grande confiance. Comme il l’avait d’ailleurs fait quelques années plus tôt en nommant ses fidèles Frédéric Pechenard et Bernard Squarcini à la tête de la police nationale et des services secrets. Ou encore Michel Gaudin, l’ami de Claude Guéant, pour garder la préfecture de police de Paris.
Depuis 2007, «le verrouillage de l’Etat», comme le décrit un haut fonctionnaire de gauche, s’est accompli dans la police comme dans la justice. Un verrouillage que le procureur Marin a caricaturé lors du procès Chirac, en demandant avec véhémence la relaxe de l’ancien président avant d’être contredit jusqu’à l’humiliation par le jugement du tribunal.
Mais l’Elysée et le gouvernement semblent n’avoir cure de cette déroute comme celle de Philippe Courroye à Nanterre ou la mise en examen de Squarcini dans l’affaire des fadettes du Monde. Ils ne semblent pas plus se soucier de la fronde de 126 procureurs (sur 163…), fatigués d’être suspectés de connivence et réclamant plus de transparence dans leurs nominations.
Paisiblement, le pouvoir continue son maillage à quelques mois de l’élection présidentielle. L’enjeu est d’importance : il consiste à avoir des hommes aux ordres, susceptibles de faire remonter la plus petite information «intéressante» sur des concurrents ou adversaires, de déminer le moindre dossier gênant et de prévenir si une affaire naît ou prospère.
Tout savoir, tout maîtriser semble plus que jamais être la consigne donnée à la justice comme à la police à la veille de la campagne présidentielle… Avec le risque de voir ces institutions subir un profond discrédit dans l’opinion. source libération